Peer Gynt d’Henrik Ibsen Pièce chorégraphiée par Johan Inger
La littérature abonde en exemples de séducteurs donjuanesques dont les histoires d’amour à répétition finissent mal en général .Ceci dit, le libertinage a gardé bonne presse auprès du public, encore de nos jours et jusqu’à la fin des temps probablement. Mais là n’est pas le sujet central d’Ibsen . L’auteur de ce conte dramatique écrit en 1876 , était plutôt attaché à un autre aspect de la personnalité de son anti- héros : sa vacuité morale qui lui tient lieu de quête existentielle .
Conte de la folie extraordinaire : vie et mort d’un anti-héros
La gesticulation bruyante de Peer a un côté pathétique dont le traîtement humoristique imaginé par Johan Inger atténue l’agacement en même temps que d’en dédramatiser le sujet . Peer (le danseur islandais Frank Fannar Pedersen , immense ), poursuivi par les piaillements hystériques de sa mère Aase ( Sergio Bustinduy , testostérone en berne, carrément hilarant ) saute sur tout ce qui bouge , surtout sur ce qui ne lui appartient pas . Première de la liste , Ingrid ( Annabelle Peintre ) qu’il enlève à son mari tout neuf sans réfléchir pour la laisser presqu’immédiatement tomber au profit de la suivante , la belle et cruelle Anitra ( Debora Maiques Marin ), puis une miss foldingue aux cheveux verts ( Andrea Tortosa Vidal ) , fille du roi de la montagne – oui , on vous l’a dit , c’est un conte – qui se promène une partie de la pièce avec un poupon sous le bras , résultat de sa brève étreinte avec le Casanova de pacotille . L’amour , le vrai , finit par passer par là en la personne de la douce Solveig qui le laissera partir en long voyage d’études occupant son temps à chanter et tricoter en attendant bravement le retour de son amant .Johan Inger a choisi , pour la vraisemblance du lieu surement , de faire arriver Solveig ( Ye Eun Choi ) à ski sous la neige comme il se doit , ce qui vous a un petit air désuet de carte postale ancienne pleine de charme.
Peer Gynt : l’homme qui aimait les femmes
En guise de quête d’identité , avant de rappliquer aux pieds de sa finalement bien-aimée Solveig, Peer fait encore quelques rencontres au cours de ses périgrinations : toute une galerie de filles plus ou moins vertueuses dont une triplette pas à piquer des hannetons , une bande de petits voyous menée par Javier Rodriguez Cobos , des danseuses espagnoles et leurs joyeux compagnons … un ensemble hétéroclite qui rappelle à s’y méprendre une scène de Fellini.
A la fin , Peer est très déterminé à retrouver Solveig , il se lance même dans le montage de la cabane qui devra abriter leur amour renaissant – le livreur façon Ikea est très reussi -, sa motivation étant également renforcée par la menace d’une fin proche sans rédemption sous la forme d’un messager de l’enfer apparaissant de plus en plus souvent . A la toute fin , rongé par le remord et l’alcool semble-t-il , le pauvre Peer reçoit la visite virtuelle de toutes ces femmes qu’il a fait souffrir et que l’on voit apparaître et disparaître successivement au milieu d’une armée de Dark Vador stylisés façon veuves d’Eva Aeppli . L’addition est salée pour Peer dont la mère Aase , littéralement engloutie dans les draps de son lit de mort , ne peut plus rien pour sauver son fils. This is the end my friend !
Peer Gynt est-il Johan Inger ?
Peer Gynt est un drame poétique devenu pièce de théâtre de l’auteur norvégien Henrik Ibsen . Elle est jouée pour la première fois au Christiania Theatre de Oslo le 24 février 1876 et reçoit un accueil triomphal auquel la scénographie vivante et surtout la musique époustouflante concourent. En 1874, Edvard Grieg compose une musique de scène pour la pièce de théâtre Peer Gynt .Des 22 numéros, Edvard Grieg en sélectionnera huit, les arrangeant et les réorchestrant en deux suites pour orchestre symphonique.
Lorsque Johan Inger décide de monter la pièce en ballet , ce qui l’intéresse en particulier chez son personnage central Peer Gynt , est ce qu’il a en commun avec . C’est-à-dire , sa soif de découvrir et les voyages qu’il entreprend pour cela . Le chorégraphe installé en Espagne , a déja sillonné la planète en tous sens à l’occasion des représentations qu’il donne depuis de nombreuses années . C’est cette vie de nomade qu’il a transposée . La fonction de danseur de Peer est également une référence autobiographique : Peer chez Inger est trop à l’étroit dans sa peau de danseur comme il a pu l’être lui-même dans sa jeunesse jusqu’à son arrivée au Ballet Royal de Suède. Inger se détache progressivement des règles de l’establishment à l’image de Peer choisissant d’enlever Ingrid transgressant ainsi toutes les lois de la bienseance. La rencontre brutale avec les trolls réfère à la découverte du monde du chorégraphe Mats Ek et son Ballet Cullberg ( Ek devient le roi des trolls sur la scène sous les traits du danseur Max Zachrisson ).
Johan Inger a étudié à la Royal Swedish Ballet School et à la National Ballet School au Canada. En 1985, il rejoint le Royal Swedish Ballet où il devient soliste en 1989. En 1990, il intègre le Nederlands Dans Theater (NDT) aux Pays-Bas. En 2001 ,Mellantid marque les débuts de Johan Inger en tant que chorégraphe. Cette première œuvre pour le Nederlands Dans Theater est programmée en 1995 pour le Holland Dance Festival et est récompensée par le Philip Morris Finest Selection Award dans la catégorie danse contemporaine. Suite à Mellantid, nommé au British Laurence Olivier Award , Johan Inger crée plusieurs chorégraphies pour le Nederlands Dans Theater. Entre 2003 et 2008 , Johan Inger est directeur artistique du Ballet Cullberg de Suède. Il a créé depuis plusieurs pièces pour la compagnie. Depuis 2009, Johan Inger est chorégraphe associé au Nederlands Dans Theater. Il vit en Espagne.
Choregraphie JOHAN INGER jouée sur la Grande Scène du Théâtre de Bâle
Direction musicale : Thomas Herzog
Scénographie : Curt Allen Wilmer
Costumes : Catherine Voeffray
Lumières: Tom Visser
Dramaturgie :Gregor Acuña-Pohl Bettina Fischer
PEER GYNT Frank Fannar Pedersen
AASE Sergio Bustinduy
INGRID Annabelle Peintre
ANITRA Debora Maiques Marin
SOLVEIG Ye Eun Choi
Femme troll aux cheveux verts : Andrea Tortosa Vidal
Danseurs et danseuses du Ballett Theater Basel
Avec le choeur du Theatre de Bâle et l’orchestre symphonique de Bâle
PROCHAINES REPRESENTATIONS :
28 mai 2017 / 3-5-9-11-17-20-22 juin 2017